Gérer des investissements IT de natures différentes
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Existe-t-il une méthode idéale et miraculeuse pour gérer les projets informatiques ? L’approche SCRUM va-t-elle enterrer CMMI ? Comment éviter le fameux "effet tunnel" que génèrent immanquablement les gros projets traditionnels ? L’informatique "agile" va-t-elle diminuer significativement le taux d’échec des projets IT ? S’applique-t-elle aux projets d’infrastructure ? ...
Autant de question, mais une seule réponse : Les projets informatiques, qu’ils soient dans le monde applicatif ou dans celui de l’infrastructure, ne sont pas tous de même nature. Et, selon leur nature, ils ne doivent pas être gérés nécessairement de la même manière ... Synthèse ultime de méthodes contradictoires ? Non, réalisme, tout simplement !
Projet ou investissement ?
Encore faut-il s’entendre sur ce que signifie l’expression "projets de nature différente".
A vrai dire le terme "projet" est lui-même restrictif et ce qu’il recouvre y gagnerait à recevoir l’appellation d’ "investissement". Car en final ce qui va déterminer la nature d’un projet, applicatif ou infrastructure, c’est sa contribution à la stratégie de l’entreprise, sa capacité à améliorer les processus ’métiers’ et son impact sur le compte d’exploitation.
C’est donc bel et bien d’investissements dont il s’agit ... et les projets informatiques doivent être traités comme tels.
Et de quelles natures ?
On peut distinguer trois natures d’investisements IT, que ce soit dans l’univers applicatif ou dans le monde des infrastructures :
- Les investissements de type "Utilitaires", qui n’apportent pas particulièrement d’avantages concurrentiels à l’entreprise mais qui doivent être effectués, soit par exemple pour diminuer les coûts de l’informatique soit pour se mettre en conformité par rapport à de nouveaux standards ou de nouvelles réglementations.
- Les investissements de type "Améliorations", qui ont pour objectfs de contribuer à l’amélioration des processus ’métiers’ de l’entreprise, avec à la clé la création d’avantages concurrentiels nouveaux ou l’amélioration d’avantages existants.
- Les investissements de type "Innovations", dont la vocation est d’aider l’entreprise à créer et développer de nouveaux modèles économiques, sur des marchés émergents ou sur des marchés existants où elle cherche à s’implanter.
Selon le type d’investissement engagé, les enjeux et les retours attendus seront qualitativement et quantitativement très différents, avec un niveau d’incertitude croissant en matière à la fois d’impacts sur l’entreprise et d’aboutissement des projets nécessaires pour concrétiser l’investissement.
Investissements de type ’UTILITAIRES’
Les investissements de type "Utilitaires" sont donc généralement bien cadrés, même s’ils peuvent être lourds, et ont pour principale vocation de faire baisser les coûts récurrents, comme ceux de l’informatique par exemple, de s’aligner sur des standards ou de se conformer à des réglementations nouvelles.
Un exemple type est l’implémentation d’un ERP que la plupart des concurrents d’une entreprise ont déjà installé : Cela ne modifiera pas les positionnements marketing des uns ni des autres, mais cela doit être fait, faute de quoi l’entreprise concernée risquerait à terme de se trouver affaiblie.
Pour ce type d’investissement, les méthodes classiques de gestion de projet (ou de programme s’il s’agit d’un ERP) s’appliquent parfaitement.
Investissements de type ’AMELIORATIONS’
Les investissements de type "Améliorations" sont étroitement liés à des objectifs ’métiers’. Ils ont pour vocation d’améliorer les processus de l’entreprise, avec un impact potentiel sur sa rentabilité, sur ses produits ou services, et sur ses clients.
Un exemple type est la mise en place d’un nouveau front office, permettant notamment un meilleur dialogue avec les clients et une capacité accrue à répondre à leurs besoins.
Ce type d’investissements est contraint par des attentes et des échéances métiers fortes et l’effet tunnel traditionnellement lié aux gros projets leur est généralement fatal. Sans oublier que plus gros est l’investissement plus longs seront les délais de mise en place ... Or les clients et les concurrents n’attendent pas ....
Pour les gros investissements, il convient donc de privilégier - quand c’est possible - une approche par phase, où chaque phase, plus courte et moins ambitieuse que le projet global, est dotée de ses propres objectifs, échéances et indicateurs de réussite tels que vus par les métiers concernés. A noter que la réussite d’une phase conditionne le passage aux phases suivantes, ce qui permet de faire progresser les métiers régulièrement et de manière perceptible, ou de minimiser les pertes en cas d’échec.
Investissements de type ’INNOVATIONS’
Les investissements de type "Innovations" sont par essence entachés d’un degré élevé d’incertitude. Ils s’attaquent en effet à des domaines qui sont peu abordés, non seulement par l’entreprise mais aussi par d’autres intervenants comparables. Ces investissements nécessitent d’autre part un haut niveau de créativité.
Pour les gérer avec succès, les méthodes classiques ne fonctionnent pas car, dans un tel contexte, on ne peut savoir à l’avance ce qui va ou non porter ses fruits.
Il faut donc privilégier des approches itératives, sans avoir peur d’échecs éventuels car ils font partie du jeu, mises en oeuvre par des équipes mixtes réunissant experts métiers et experts informatiques. Les méthodes portées par l’ "Agile IT" sont donc intéressantes de ce point de vue, dans la mesure où elles privilégient la réactivité, l’imagination et le travail en équipes pluri-disciplinaires.
Une mention spéciale pour les investissements d’infrastructure, que l’on qualifie dans ce contexte de "proactifs" car ils permettent d’anticiper sur des besoins futurs, non nécessairement vitaux au moment où les investissements sont réalisés.
Conclusions
Comme on le voit, il n’y a pas opposition entre les différentes méthodes de gestion d’investissements IT, mais plutôt complémentarité.
La difficulté ne réside donc pas dans les aspects méthodologiques, mais dans la qualification du projet d’investissement. On constate en effet qu’une erreur de qualification est souvent à l’origine de la plupart des échecs de projets informatiques.
Il ne faut pas oublier non plus qu’un investissement qui se prolonge dans le temps suit un cycle bien connu où il commence comme innovation, se poursuit en tant qu’amélioration et se termine comme utilitaire. Il faut donc savoir changer d’approche en cours de route, ce qui n’est pas toujours facile ...