Parc informatique : Quel équilibre entre renouvellement et MCO ?
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Nous avons montré à l’occasion d’un précédent article (cf. article du 5 juillet 2012 : « Quels impacts sur le MCO du non renouvellement des équipements informatiques ? ») que le taux d’interventions MCO sur un parc d’équipements informatiques est corrélé à l’âge moyen et au taux de renouvellement du parc, ces deux variables jouant en sens opposés et prenant le relais l’une de l’autre :
- Le vieillissement des équipements fait croître le taux d’intervention MCO durant les premières années (Quatre ans dans le parc étudié).
- Les sorties du parc prennent ensuite le pas et provoquent la baisse du taux d’interventions MCO.
Nous en avons déduit que le ralentissement du renouvellement des équipements informatiques, qui tente beaucoup les entreprises par ces temps de crise, peut avoir pour conséquence d’augmenter sensiblement le coût de possession de ces équipements.
D’où la question que chaque DSI est en droit de se poser : Existe-t-il un « dosage » optimal du renouvellement des équipements informatiques ?
Pour répondre à cette question il faut être en mesure :
- d’une part de quantifier l’impact du renouvellement sur le nombre d’interventions MCO,
- d’autre part d’évaluer si les dépenses d’exploitation (ou les pertes d’exploitation) qui découlent de l’indisponibilité accrue d’équipements n’annulent pas l’effet du report partiel des dépenses de renouvellement.
Pour quantifier l’impact sur le volume d’interventions MCO, objet du présent article, il est nécessaire :
- de déterminer s’il existe une formule prédictive le reliant au renouvellement et à l’âge du parc,
- puis, dans l’affirmative, d’en identifier le périmètre d’application et les limites,
- et, enfin, de voir concrètement comment s’en servir pour être en mesure de « doser » le renouvellement de manière optimale.
Point de départ de l’étude
L’étude se base sur les deux fichiers utilisés pour la précédente étude relative à l’impact sur le volume d’interventions MCO de l’âge et du renouvellement des équipements informatiques (cf. article du 5 juillet 2012 : « Quels impacts sur le MCO du non renouvellement des équipements informatiques ? ») :
- Fichier Parc enrichi, pour chaque équipement éventuellement concerné, du nombre d’interventions MCO déclenchées sur la période du 01/03/2011 au 31/03/2012 (soit 13 mois d’historique).
- Fichier des interventions MCO, enrichi notamment de la date d’achat de chaque équipement.
L’étude part des formules introduites dans l’article ci-dessus référencé, formules qui établissent une corrélation significative entre d’une part le taux moyen d’interventions MCO et d’autre part :
- L’âge moyen des équipements du parc,
- Le taux des équipements hors parc,
- Le produit de ces deux variables.
Structure de la présente étude
La présente étude détermine dans un premier temps si la corrélation évouqée ci-dessus peut permettre :
- de dégager une formule prédictive du volume d’interventions MCO,
- d’en identifier le périmètre et les limites.
Rappelons à ce stade que la corrélation en question n’a pas valeur prédictive telle quelle, essentiellement du fait que les facteurs pris en compte sont inter corrélés.
Il s’agira donc, dans la mesure du possible, d’en transformer l’expression afin de ne garder que des facteurs non corrélés entre eux.
Dans un second temps, la présente étude cherche à préciser comment et dans quelles circonstances il serait pertinent de mettre en pratique une telle formule.
Ultérieurement, dans un article à venir, l’étude sera complétée afin d’identifier les autres facteurs susceptibles d’influer sur le volume d’interventions MCO.
Définitions
Les définitions du taux moyen d’intervention MCO, de l’âge moyen et du taux de renouvellement des équipements sont consultables dans l’article qui sert de point de départ à la présente étude (cf. article du 5 juillet 2012 : « Quels impacts sur le MCO du non renouvellement des équipements informatiques ? »).
La notion d’âge cumulé d’un ensemble d’équipements, utilisée dans les paragraphes suivants, correspond à la somme des âges au 31/03/2012, exprimés en mois, des équipements de l’ensemble.
Quelques remarques préliminaires
1) Les interventions MCO sont prises en compte indépendamment de la nature de l’incident qui en est à l’origine et de la résolution qui en a découlé. S’il n’est pas jugé utile à ce stade de segmenter plus finement les interventions, il est probable qu’une recherche approfondie des autres facteurs influents nécessiterait de le faire.
2) Le fichier Parc contient des équipements de tous statuts, qu’ils soient « dans le parc » ou « hors parc » au 31/03/2012, les équipements « hors parc » se décomposant en deux catégories :
- équipements qui ont été « dans le parc » sur la période de 13 mois couverte par l’étude mais qui en étaient sortis au 31 mars 2012. Ces équipements ont donc pu déclencher des interventions MCO,
- équipements sortis du parc avant cette période et qui n’ont donc pas pu déclencher d’interventions MCO.
3) C’est cette « mémoire » des équipements sortis du parc qui permet d’évaluer le taux de renouvellement du parc, en l’occurrence à travers le pourcentage d’équipements « hors parc » sur une classe d’âge donnée.
4) Le parc comprend par ailleurs plusieurs catégories d’équipements (UC, portables, serveurs, imprimantes, …) et chaque catégorie met en évidence un comportement spécifique vis-à-vis du nombre d’interventions MCO, de l’évolution de l’âge moyen et du renouvellement dans le temps [1].
La présente étude reprend donc la même logique que celle suivie dans l’article de référence, c’est-à-dire : Une analyse pour l’ensemble du parc suivie d’une analyse focalisée sur les UC (Unités Centrales).
Vue dynamique / vue opérationnelle
Tout comme l’étude exposée dans l’article référencé, la présente étude analyse le parc selon une vue « dynamique », à travers 17 classes d’âge de six mois d’amplitude où sont dispatchés les équipements informatiques. Cette vue est dynamique en ce sens qu’elle permet de mettre naturellement en évidence la relation entre l’évolution du taux d’intervention MCO, l’âge moyen du parc et le taux de renouvellement.
L’étude analyse ensuite le parc selon une vue « opérationnelle », à travers la photo au 31 mars 2012 du parc selon un certain nombre de régions représentatives de l’ensemble du groupe. L’intérêt de cette vue réside dans le fait qu’elle met en évidence les différences entre des régions qui possèdent par ailleurs leur propre DSI et leur libre arbitre quant au rythme du renouvellement des équipements.
Formule prédictive (Toutes catégories d’équipements confondues)
Rappelons tout d’abord la formule présentée dans l’article du 5 juillet 2012 et reliant le taux d’interventions MCO, l’âge moyen des équipements (qu’ils soient dans le parc ou sortis du parc) et le pourcentage d’équipements sortis du parc :
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Cette formule s’obtient par régression générale effectuée sur des données par classes d’âge (Vue dynamique du parc).
Une fois multipliée terme à terme par le nombre total d’équipements tous statuts confondus et après simplification, la formule aboutit à une relation potentielle, à valider, entre le nombre total d’interventions MCO et une combinaison linéaire :
- de l’âge cumulé des équipements du parc, exprimé en mois,
- du nombre d’équipements hors parc,
- de l’âge cumulé des équipements hors parc, exprimé en mois.
Pour identifier et valider cette relation potentielle, il faut tout d’abord déterminer la meilleure combinaison de ces trois facteurs susceptibles d’expliquer le nombre total d’interventions MCO.
On effectue pour ce faire une estimation des « meilleurs sous-ensembles » [2], dont le résultat est indiqué dans le tableau suivant :
- Meilleurs sous-ensembles
Il en découle les conclusions suivantes :
- Le « meilleur sous-ensemble » est constitué des trois facteurs avec un Cp de Mallows (4) proche du nombre de variables (3) et un R2 ajusté de 82,5%.
- La formule de régression correspondante est la suivante, applicable pour chaque classe d’âge :
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Interprétation de la formule au niveau de chaque classe d’âge
Pour interpréter la formule au niveau de chaque classe d’âge, il faut la transformer légèrement en mettant en facteur le nombre d’équipements hors parc sur les deux derniers termes :
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Nous pouvons alors en tirer quatre constats :
- Pour chaque classe d’âge, le nombre d’interventions est une fonction linéaire croissante de l’âge cumulé des équipements du parc. Il augmente donc sous le double effet de l’augmentation du nombre d’équipements du parc (présents dans le parc au 31/03/2012) et de leur vieillissement.
- Le nombre d’interventions augmente aussi sous l’effet des équipements qui étaient vraisemblablement dans le parc durant la période étudiée mais qui en étaient sortis au 31/03/2012 (Âge moyen < 61 mois, ces équipements ont pu générer des interventions MCO) [3].
- Il diminue par contre pour intégrer les équipements vraisemblablement sortis du parc avant la période considérée (Âge moyen > 61 mois, ces équipements n’ont probablement pas pu déclencher d’interventions MCO sur la période).
- Le terme constant (252 interventions par classe d’âge) est considéré comme significativement différent de zéro et ne peut donc être omis. Il signifie qu’un nombre non négligeable d’interventions ne provient pas du double effet de l’augmentation du nombre d’équipements du parc et de leur vieillissement.
Le graphique suivant illustre le nombre d’interventions calculé (Nb inter calculé) par classes d’âge et la contribution des trois termes de la formule à ce nombre :
- Contribution des équipements au nombre d’interventions MCO calculé
Interprétation de la formule sur l’ensemble de la période
La formule sur l’ensemble de la période est celle obtenue en additionnant termes à termes les 17 classes d’âge à partir de la première formule, qui ne comporte que des termes additifs.
On obtient alors le nombre total d’interventions sur la période :
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Le tableau suivant présente le nombre total d’interventions calculé, les contributions des trois termes de la formule et la comparaison au nombre réel constaté sur le même périmètre.
- Reconstitution du nombre total d’interventions MCO
Ces chiffres amènent trois remarques :
- Le premier facteur générateur d’interventions MCO est lié à l’effet conjugué du nombre d’équipements du parc et de leur vieillissement (Âge cumulé des équipements du parc).
- Le second facteur générateur d’interventions MCO est la contribution fixe, intervenant pour environ 38% du total, signifiant que près 40% des interventions ne sont générées ni par le double effet du nombre d’équipements du parc et de leur vieillissement, ni par les équipements hors parc.
- La contribution des équipements hors parc (négative dans notre cas) est faible en valeur relative par rapport au nombre d’interventions apportées par les équipements du parc (Environ 6%), ce qui laisse penser que les équipements hors parc (au 31/03/2012) ne constituent pas un générateur d’interventions MCO majeur sur la période étudiée. C’est une bonne nouvelle d’un point de vue pratique car les données relatives aux équipements sortis du parc sont plus rarement disponibles que celles relatives aux équipements du parc !
Premières conclusions (Toutes catégories d’équipements confondues)
La formule identifiée explique 82,5% de la variance au niveau des classes d’âge, ce qui lui donne une valeur explicative d’autant plus surprenante qu’elle couvre les équipements toutes catégories confondues.
Pourtant cette formule n’est pas satisfaisante car la contribution fixe au nombre d’interventions (le terme constant) dépasse 35% du total, laissant un nombre significatif d’interventions sans explication réelle et donc amoindrissant la pertinence du modèle d’un point de vue prédictif et opérationnel.
Ce phénomène est probablement la contrepartie négative du fait que la formule couvre toutes les catégories d’équipements, alors que chaque catégorie est caractérisée par une durée de vie et une politique de renouvellement spécifiques.
Pour aller plus loin, il convient donc de descendre au niveau de la catégorie d’équipements, ce que fait le paragraphe suivant, en illustrant l’approche avec le cas des unités centrales.
Formule prédictive – Unités centrales
Le choix des unités centrales (UC) est motivé par la forte corrélation que ces équipements ont dégagée dans le cadre du modèle d’origine (cf. article du 5 juillet 2012).
Formule par classes d’âge (Vue dynamique)
En suivant une approche identique à celle utilisée plus haut pour la formule « toutes catégories d’équipements », l’estimation des « meilleurs sous-ensembles » pour les UC conduit de la même manière à privilégier, dans un premier temps tout au moins, une formule avec les trois facteurs ‘âge cumulé des équipements du parc’, ‘nombre d’équipements hors parc’ et ‘âge cumulé des équipements hors parc’.
Cette formule ne peut cependant pas être retenue dans son intégralité car la régression aboutit à des coefficients, y compris le terme constant, qui ne sont pas significativement différents de zéro, à l’exception de celui d’entre eux relatif à l’âge cumulé des équipements du parc.
Après élimination des facteurs non significatifs, une nouvelle régression donne la formule suivante (avec un R2 ajusté de 85% pour la formule avec constante) :
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Le graphique suivant illustre la proximité de la droite de régression avec les valeurs constatées :
- Nombre d’interventions en fonction de l’âge cumulé par classes d’âge
Il s’avère donc que, pour les unités centrales, le nombre d’interventions MCO sur la période de treize mois prise en considération est fortement corrélé à un facteur unique : L’âge cumulé des UC présents dans le parc au 31/03/2012.
On estime facilement le nombre total d’interventions sur l’ensemble de la période de treize mois en additionnant les estimations pour chaque classe d’âge. On aboutit alors à une estimation sur la période qui sous-évalue d’environ 6% le nombre réel constaté.
C’est une formule simple, puissante et facile à manipuler. On peut en effet évaluer le volume d’interventions MCO sur une période à venir, avec un niveau d’erreur inférieur à 10% à parc comparable d’une période à l’autre, en procédant en trois étapes :
- simuler l’évolution de l’âge des UC sur la période étudiée, en fonction d’une politique de renouvellement de parc que l’on veut tester,
- additionner les âges des UC présentes dans le parc au terme de la période de simulation,
- obtenir le nombre estimé d’interventions MCO en appliquant à la somme des âges le coefficient multiplicateur calculé par régression sur la période passée de même durée.
Formule par régions (Vue « opérationnelle »)
La corrélation entre nombre d’interventions MCO et âge cumulé du parc est clairement établie pour les classes d’âge (Vue « dynamique »).
Qu’en est-il pour d’autres dimensions ? Pour le savoir, on considère les quinze principales régions du groupe.
La régression sur ces quinze régions donne la formule suivante (avec un R2 ajusté de 57% pour la formule avec constante) :
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On trouve donc pour les régions une formule rigoureusement identique à celle mise en évidence à travers les classes d’âge, ce qui conforte l’hypothèse que cette formule est bien une caractéristique des interventions MCO sur le parc des unités centrales de ce groupe.
La convergence entre les résultats obtenus à partir des classes d’âge et ceux obtenus à partir des régions provient probablement
- d’une part de ce que la politique d’achat des équipements informatiques est définie au niveau du groupe et non au niveau de chaque région,
- d’autre part de l’externalisation auprès d’un prestataire unique des interventions MCO.
Par contre la dispersion des points constatés autour de la droite de régression est plus importante pour les régions que pour les classes d’âge, ainsi que le graphique suivant l’illustre :
- Nombre d’interventions en fonction de l’âge cumulé par régions
On en déduit donc que si, d’un point de vue MCO, les régions se comportent bien « en moyenne » selon la logique identifiée à travers les classes d’âge, elles ont par contre des comportements « individuels » qui divergent davantage de la moyenne.
Ce constat est-il surprenant, compte tenu que chaque région à son propre DSI et son autonomie de décision quant à la politique de renouvellement de parc ?
La réponse est oui, malgré tout, car les différences de politique de renouvellement sont déjà prises en compte par le modèle et n’expliquent pas les écarts de comportements d’une région à l’autre. Il faudrait donc chercher ailleurs l’origine de ces écarts entre régions (Comportement des utilisateurs, emplacement des équipements, etc.).
Conclusions opérationnelles
D’un point de vue théorique, l’étude aboutit à :
- Une formule simple reliant, pour les unités centrales tout au moins, le nombre d’interventions MCO sur une période à l’âge cumulé des UC présentes dans le parc en fin de période.
- La confirmation que chaque catégorie d’équipements se comporte différemment et doit faire l’objet d’une étude spécifique.
D’un point de vue opérationnel, la formule
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permet, pour une catégorie d’équipements donnée, de relier linéairement le coût moyen par équipement des interventions MCO à l’âge moyen de ces équipements à l’aide d’une formule similaire obtenue par simple transformation de la formule précédente :
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Il peut donc être envisagé, pour un prestataire à qui seraient sous-traitées les prestations MCO d’une catégorie d’équipements pour l’ensemble des régions, de facturer la totalité de ces prestations sur une période donnée :
- à partir d’un prix unitaire par équipement,
- indexé sur l’âge moyen du parc [4].
Cette facturation pourrait éventuellement être étendue à plusieurs catégories d’équipements, étant entendu que la formule utilisée dépendrait étroitement du mix d’équipements entre les catégories.
L’intérêt d’un tel mode de facturation pour le client est évident : Il facilite son arbitrage entre le renouvellement du parc et le coût du MCO (auquel il conviendrait évidemment d’ajouter le coût métier de l’indisponibilité de l’équipement).
Par contre, la répartition du montant ainsi facturé entre d’éventuelles régions ou entités de l’entreprise cliente ne pourrait être faite selon la même logique, car nous avons vu que d’autres facteurs que le renouvellement de parc interviennent très probablement dans le nombre d’interventions MCO.
[1] Il n’en demeure pas moins que la corrélation établie entre ces trois facteurs demeure significative pour l’ensemble du parc, toutes catégories confondues.
[2] Les traitements statistiques ont été effectués à l’aide du logiciel Minitab 16
[3] Il faut en effet noter que le nombre de 61 mois correspond à 48 mois + 13 mois, où 48 mois est l’ancienneté au-delà de laquelle le remplacement de l’équipement est systématique en cas de panne (Cf. article du 5 juillet 2012), auxquels s’ajoutent les 13 mois de la période étudiée.
[4] Attention : Il s’agit des équipements présents dans le parc en fin de période, après simulation effectuée sur la base d’une hypothèse de renouvellement de parc sur la période